Carnets

Tout est fiction ici.

posté le 22-01-2014 à 20:33:46

Un jour (suite 1)

Est-ce ce que ce jour est venu ? Le bus n’est pas encore là, elle ralentit, elle arrive à hauteur de l’arrêt où attendent déjà quelques passagers. Elle se retourne, aperçoit le bus au loin, encore trop petit pour que l’on puisse lire sur le bandeau noir le nom de sa destination. Elle voit les passagers silencieux, jeunes garçons écouteurs vissés aux oreilles, femmes voilée, vieilles femmes au dos voûté partant faire leur marché, tous ont un visage sans expression. Elle ralentit puis accélère, passe à leur hauteur, fait un écart sur la chaussée tandis qu’ils se regroupent car l’arrivée du bus est imminente. Elle remonte sur le trottoir, avance, dépasse l’arrêt, continue sans se retourner, entend le bus freiner et peu après il la double. Elle le voit s’éloigner, passer au feu orange; elle poursuit son chemin à pied et maintenant elle est déterminée. Elle marche rapidement jusqu’à la gare, regarde les horaires sur le grand panneau d’affichage, choisit une destination au hasard, enfin pas tout à fait, elle rêve de la mer. Il lui reste un peu moins d’une heure. Elle se rend au distributeur, tire une grosse somme d’argent, ce qu’elle peut, le maximum autorisé. Elle prend un billet pour le terminus au guichet, paye en espèces : elle ne laisse pas de traces. Elle téléphone à son travail. On lui avait conseillé de prendre ses récupérations, justement elle doit partir, qu’on ne l’attende pas pendant quelques jours. Elle rappellera. C’est la jeune stagiaire qui est au standard, une chance, elle n’a rien compris mais n’a pas osé poser de questions. Elle lui laisse un message, à lui, elle sait qu’il ne regardera sa messagerie que tard, en fin d’après-midi. Elle lui dit de ne pas s’inquiéter, qu’elle a besoin de prendre du recul, qu’elle le rappellera. Elle ne sait pas se montrer définitive. Elle veut jeter son portable dans une poubelle, qu’on ne puisse pas la géo localiser, qu’elle ne soit pas tentée de s’en servir non plus. 
 


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posté le 13-01-2014 à 20:57:53

Un jour

- Je m’en vais ! crie-t-elle.

- D’accord. Ferme bien la porte.

Elle a parlé suffisamment fort pour qu’il entende. La maison est tout en longueur et la bibliothèque se trouve dans l’aile gauche. Elle l’imagine. Il a attendu ses dernières paroles pour remettre son casque, se laisser glisser dans le fauteuil, incliner un peu le dossier, surélever ses jambes, sans dépasser l’horizontale, il n’aime pas ; il a déjà les yeux mi-clos, il va faire la sieste, certain de ne pas être surpris ou dérangé, tandis que l’image défile en silence sur l’écran. Elle vérifie son sac, sa carte d’identité, sa carte bancaire, le portable. Ils sont là, dans un fouillis de papiers, vieux tickets de caisse, agenda qui perd ses pages, kleenex échappé de la pochette. Elle choisit le manteau en drap de laine dont elle aime la douceur. Elle choisit une longue écharpe pour faire deux fois le tour de son cou. Elle prend les clefs, elle jette un regard sur l’entrée baignée de soleil où les plantes vertes s’épanouissent. Elle les a arrosées la veille, tout est en ordre. Elle n’oublie rien. Elle ouvre la porte, elle tire fermement sur la poignée tandis qu’elle  referme la porte et tourne la clef. La porte a toujours été un peu dure à fermer.

Elle s éloigne à pied par l’allée gravillonnée, prend ensuite l’avenue qui conduit à la voie de chemin de fer, il faut passer par un souterrain qui sent l’urine. Ce n’est pas agréable mais c’est le chemin le plus court. La voici dans une rue parallèle à la sienne. Son arrêt de bus est à cinq minutes sur l’autre trottoir. Elle traverse, elle traverse toujours de toutes façons, qu’elle prenne ou non le bus, pour apercevoir les trains, ceux qui arrivent lentement parce que la gare est proche et qu’ils doivent commencer à ralentir bien avant, ou les trains de marchandises qui ébranlent avec fracas les murs des appartements voisins, les trains colorés ou les trains tagués, d’un gris verdâtre, qui semblent venir d’un autre siècle. Chaque fois qu’elle part travailler, elle aime regarder les trains qu’elle ne prend pas, qu’elle pourrait prendre. Elle dit :

- Un jour, je pourrai. Un jour…

 


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1. colea  le 15-01-2014 à 17:28:20  (site)

J'aime beaucoup!
Bonne soirée,
Léa

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posté le 04-01-2014 à 20:39:42

Horoscope

Il s’agissait de prendre des décisions en cette fin d’année, comme chaque année sans doute. Mais cette fois son horoscope le confirmait. Il était temps de réaliser un désir d’enfance. Elle ne croyait pas en l’horoscope mais celui de l’année précédente dans le même magazine lui ayant promis le pire, et ce pire ayant ponctué son année, problèmes de santé, d’argent, ruptures, disparitions… elle était prête à croire l’horoscope publié ce dimanche-là  et qui promettait des jours meilleurs. Et surtout des changements. Qui la connaissait à ce point ?

 

Vous brûlez d’envie de tout changer à la fois parce que vous vous sentez étouffer ? Au fond de vous-même, vous savez pertinemment que le moment ne s’y prête pas… Sortez de vos placards le rêve d’enfant que vous chérissez et efforcez-vous de le réaliser…

 

Elle n’en retint que quelques lignes.

 

Elle serait…, même… si le moment ne s’y prête pas. Elle cesserait de jalouser ceux qu’elle accusait de la copier, de prendre sa place. Elle mettrait à distance les personnalités qui l’étouffaient, qui ne lui apportaient pas la satisfaction qu’elle attendait d’une relation. Elle refuserait les tâches qui ne lui apportaient plus de satisfaction, elle cesserait de jouer à la femme indispensable. Tout ça pour avoir du temps à soi, pour réaliser un rêve d’enfant.

Ce n’était pas si évident.

- Dis-moi ? Comment fait-on pour… ?

- Attends, je vais chercher…

 

Il lui revint en mémoire, sans qu’elle comprît pourquoi, une expression un peu vexante, un peu désuète : une bonne fille ? Une bonne fille, une fille sans volonté, qui cédait, qui se laissait convaincre, qui n’avait pas de certitudes.

 


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1. colea  le 07-01-2014 à 13:25:59  (site)

Bonjour, de nouveau un très beau texte, qui m'a amené à me dire que chacun devrait se poser la question: "quel est mon rêve?" ou même : "ai-je un rêve?"
merci!
Léa

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posté le 28-12-2013 à 21:52:37

J'avoue

J'avoue que j'ai un peu de mal avec la forme du blog. En effet pour moi écrire suppose des retour en arrière, des corrections, des ajouts. Alors que le blog est linéaire. Et si j'y mets un texte que je considère comme fini je ne peux pas me concentrer sur une nouvelle histoire.  En même temps le blog m'impose une discipline et me motive.  Bref je pars un peu dans tous les sens sans aboutir. Je cherche donc une formule... Je vais en appeler à Aubain, ma bonne âme, mon frère, mon ami rêvé...
 


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1. la piote en eek end  le 28-12-2013 à 21:04:58  (site)

continu cela fait du bien d écrire on s en fou des ratures ou d oublis de lettre c pas nous !!! c est souvent le clavier enfin pour moi ki suit pas on jlui dicte mrd bisouxxx

2. colea  le 30-12-2013 à 14:10:30  (site)

Bonjour Leone, moi aussi je vous souhaite un bon passage vers l'an nouveau, avec inspiration et beaux textes. L'important c'est continuer à écrire!
Léa

3. tipoussin  le 02-01-2014 à 09:44:32  (site)

Tous mes voeux pour l'année nouvelle grosses bises. Sylvie

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posté le 16-12-2013 à 21:08:05

Elle essayait.

Elle essayait régulièrement de lutter. Mais si rien ne changeait dans sa vie, comment aurait-elle pu changer de comportement? Ni son mari, ni ses enfants, ni son entourage ne comprenaient sa détresse.  Et n'avaient vu venir le drame. Les séquelles, la maladie, la douleur, surtout la douleur.

Mais elle, au plus profond de soi, savait qu'elle était en train de se saborder. Elle aimait ce mot qui donnait un certain panache à ce qui s'apparentait à un suicide, lent mais sûr. Elle avait tenté de maîtriser sa consommation, du vin, seulement du vin. Un verre le midi, quoique, et deux à trois le soir. A ce prix là seulement elle se sentait apaisée. Mais évidemment, à quel prix?  C'était cela ou accepter de mettre en cause son couple qui tenait grâce à beaucoup de malentendus, mettre en cause son image de mère, l'image qu'elle entretenait d'elle dans le cercle bien restreint de ses relations, revenir sur son passé et ses erreurs.

Se saborder? Oui, se détruire, de façon sournoise car les effets n'étaient pas visibles immédiatement. Elle donna pendant quelques années le change, mais au final, c'est un poison insidieux qu'elle avalait lorsque le soir, réfugiée dans son bureau tandis que lui parvenaient  la rumeur de la télévision et les éclats de rire de son mari, affalé dans son fauteuil devant l'écran,  elle laissait glisser dans sa gorge la dernière goutte de vin au fond verre.   

 


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1. Tipoussin  le 23-12-2013 à 10:16:49  (site)

Bonjour leone, un petit verre, puis un autre descente lente vers l'enfer pour oublier, pour changer son monde.
Gros bisous.

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