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Titre du blog : Carnets
Auteur : Leone
Date de création : 22-10-2013
 
posté le 13-01-2014 à 20:57:53

Un jour

- Je m’en vais ! crie-t-elle.

- D’accord. Ferme bien la porte.

Elle a parlé suffisamment fort pour qu’il entende. La maison est tout en longueur et la bibliothèque se trouve dans l’aile gauche. Elle l’imagine. Il a attendu ses dernières paroles pour remettre son casque, se laisser glisser dans le fauteuil, incliner un peu le dossier, surélever ses jambes, sans dépasser l’horizontale, il n’aime pas ; il a déjà les yeux mi-clos, il va faire la sieste, certain de ne pas être surpris ou dérangé, tandis que l’image défile en silence sur l’écran. Elle vérifie son sac, sa carte d’identité, sa carte bancaire, le portable. Ils sont là, dans un fouillis de papiers, vieux tickets de caisse, agenda qui perd ses pages, kleenex échappé de la pochette. Elle choisit le manteau en drap de laine dont elle aime la douceur. Elle choisit une longue écharpe pour faire deux fois le tour de son cou. Elle prend les clefs, elle jette un regard sur l’entrée baignée de soleil où les plantes vertes s’épanouissent. Elle les a arrosées la veille, tout est en ordre. Elle n’oublie rien. Elle ouvre la porte, elle tire fermement sur la poignée tandis qu’elle  referme la porte et tourne la clef. La porte a toujours été un peu dure à fermer.

Elle s éloigne à pied par l’allée gravillonnée, prend ensuite l’avenue qui conduit à la voie de chemin de fer, il faut passer par un souterrain qui sent l’urine. Ce n’est pas agréable mais c’est le chemin le plus court. La voici dans une rue parallèle à la sienne. Son arrêt de bus est à cinq minutes sur l’autre trottoir. Elle traverse, elle traverse toujours de toutes façons, qu’elle prenne ou non le bus, pour apercevoir les trains, ceux qui arrivent lentement parce que la gare est proche et qu’ils doivent commencer à ralentir bien avant, ou les trains de marchandises qui ébranlent avec fracas les murs des appartements voisins, les trains colorés ou les trains tagués, d’un gris verdâtre, qui semblent venir d’un autre siècle. Chaque fois qu’elle part travailler, elle aime regarder les trains qu’elle ne prend pas, qu’elle pourrait prendre. Elle dit :

- Un jour, je pourrai. Un jour…

 

Commentaires

colea le 15-01-2014 à 18:28:20
J'aime beaucoup!

Bonne soirée,

Léa