Elle me rappelle. Elle insiste: comment ai-je pu la trahir, raconter qu'elle n'était pas malade, elle qui souffre le martyre. Je lui répète encore une fois qu'elle se trompe:
- Je n'ai pas dit que tu n'étais pas malade; j'ai dit que si tu étais aussi malade que tu le dis, tu ferais peut-être plus confiance à tes médecins, tu prendrais les remèdes prescrits, ou bien tu changerais de médecin... Je ne mets pas en cause ton état, je mets en cause le degré de vérité.
Ludivine s'enflamme, reprend son monologue. J'écarte l'écouteur de mon oreille, je tapote distraitement les touches de mon clavier et joue une partie de solitaire. Elle est intarrissable et je sais qu'il suffit que j'ébauche un acquiescement pour qu'elle reprenne de plus belle.
Soudain la colère me prend. Ah, comme cela, je me moque d'elle! Et moi dans cette histoire? je suis qui? est-ce que j'existe seulement? J'interromps sèchement le flot d'accusations.
- J'en ai assez de tes histoires, de tes mensonges, de tes prétentions masquées derrière de grandes déclarations de modestie ou d'innocence. Je suis fatiguée. Je n'ai plus envie de t'entendre. J'en ai assez que tu ne parles que de toi, que tu ramènes tout à toi. Tu ne m'intéresses pas.
Et je raccroche, étonnée de ma détermination, de ma sévérité. Maintenant c'est fini. je sens qu'il y va de ma survie, qu'il faut que je cesse d'être le jouet bienveillant et consentant d'autant de manipulation. Même si j'ai peur.