Aucun sens de la mesure. c'est sans doute ce qu'on m'a souvent reproché. Excès, excessive... De qui je parle? d'un moi d'une autre époque? d'un moi qui a rarement fait surface? ou de personnes qui m'ont fascinées avant de me lasser?
Mon corps me lâche; mon corps se rebelle contre lui-même et s'autodétruit. Mon corps a perdu la raison et ne se reconnaît plus. Je l'aide bien avec mes excès. Les médecins sont perplexes. Ils ne me posent pas les bonnes questions. Ils s'intéressent au présent, à ce qu'ils constatent de visu, à ce qu'ils palpent, à ce qu'ils voient en scrutant les radiographies. Je dis:
- J'ai du mal à me concentrer.
Et ils classent aussitôt ma remarque dans les symptômes d'un mal qu'ils veulent définir alors qu'il aurait fallu creuser:
- Que voulez-vous dire? A quel moment? Dans quelles circonstances?
Je sors du cabinet médical, insatisfaite, le ciel se couvre et je n'aime pas ces heures d'hiver qui me donnent l'impression que le soir est déjà là quand on en est seulement à la fin de l'après-midi. Les rues ne sont encore éclairées que par les lumières intermittentes des devantures, la municipalité fait des économies sur l'éclairage public.
Je porte ma maladie dont je suis peut-être la cause. Ou peut-être pas. Est-ce que je me trompe, que la maladie serait là de toutes façons, elle ou une autre, que mes excès, somme toute modestes, n'ont rien à voir et m'aident au contraire à vivre.
Je sors du magasin, j'ai retrouvé peu à peu mon calme. La nuit est tombée, les rues sont éclairées. Les passants semblent tous habillés de noir et je me sens différente avec ma veste beige. Quel est le poids de la culpabilité?